Faut-il encore voyager ? Comment voyager autrement ? Quels sont les méfaits environnementaux, sociaux ou culturels du tourisme ? Analyse critique d’une culture hyper-valorisée dans nos sociétés contemporaines mais qui peut s’avérer dévorante…
Ces dernières années, le tourisme international a connu une croissance exponentielle, même après la crise sanitaire et en dépit de la crise climatique, suscitant des conflictualités nouvelles, liées notamment au surtourisme. De Barcelone -16 millions de visiteurs en 2023- à Athènes en passant par Venise -30 millions de touristes chaque année-, des manifestations se sont multipliées pour dénoncer la pression immobilière, l'inflation et les nuisances environnementales que génère, à l’heure de l’Anthropocène, le tourisme.
Dans son dernier essai «Dévorer le monde» paru en France, l’anthropologue française et militante écologiste Aude Vidal s’inscrit dans la lignée de ces mouvements et nous invite à réfléchir collectivement et individuellement sur la place qu’a fini par occuper le voyage dans les imaginaires et les modes de vie occidentaux : entre mobilité frénétique, inconscience entretenue et envie de se distinguer socialement. Car voyager pour ses loisirs, qui plus est à l’autre bout du monde, demeure un privilège. 80% de la population mondiale n’a ainsi jamais pris l’avion et seulement 1% de la population mondiale concentre 50% des émissions du secteur aérien.
Mais Aude Vidal, qui s’avoue elle-même grande voyageuse, interroge surtout l’industrie touristique qui pèse lourd dans l’économie mondiale et le PIB de nombreux pays ; une industrie «du surplus, qui privilégie les désirs des uns aux dépens des besoins des autres» et qui, tel un ogre, présiderait en quelque sorte, à la table d’un grand banquet où la planète et ses ressources seraient au menu.
Plus que d’émettre des solutions, des aménagements concrets contre le surtourisme, l’anthropologue s’attache plutôt à repolitiser un champ - le voyage- perçu, voulu comme une parenthèse déréalisée, loin du travail et des tracas du quotidien, pour ceux qui ont la chance et les moyens de partir. Ce faisant, elle dénonce le capitalisme à l'œuvre dans ces dynamiques touristiques et les inégalités croissantes qu’il produit, partout dans le monde.
Avec Aude Vidal, anthropologue française et autrice de « Dévorer le monde ».
À lire :
- «Dévorer le monde. Voyage, capitalisme et domination». Aude Vidal. Éditions Payot. 2024
- «Égologie: écologie, individualisme et course au bonheur». Aude Vidal. Éditions Le monde à l’envers. 2017
- «La vraie vie est ici. Voyager encore?» Rodolphe Christin. Éditions Écosociété. 2020
- «Désastres touristiques». Henri Mora. Éditions L’échappée. 2022
- «Habiter une ville touristique». Collectif Droit à la ville Douarnenez. Éditions du commun. 2023
- Le blog d’écologie politique d’Aude Vidal.
À voir :
- Mayapolis, un documentaire de Renaud Lariagon sur le tourisme et l’expansion urbaine dans la péninsule du Yucatan, recommandé par Aude Vida. Disponible en ligne.
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