À la Une: l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal risque la prison à vie
L’écrivain franco-algérien âgé de 80 ans, renommé en France et à l’étranger, est depuis hier accusé d’« atteinte à l’intégrité du territoire national » en Algérie. « Une accusation, précise Le Monde Afrique, assimilée à un acte de “terrorisme“, selon l’article 87 bis du Code pénal algérien, qui pourrait lui valoir une condamnation à la perpétuité, voire à la peine de mort – bien qu’aucune exécution capitale n’ait eu lieu en Algérie depuis 1993. La lourdeur de l’accusation a suscité de multiples réactions, pointe encore le journal. Son avocat, François Zimeray, estime que “la privation de liberté d’un écrivain de 80 ans en raison de ses écrits est un acte grave. (…) S’il doit y avoir enquête, celle-ci ne justifie nullement que soit prolongée la détention de Boualem Sansal“. Le monde intellectuel a aussitôt exprimé sa stupeur. Plusieurs prix Nobel de littérature, tels que Jean-Marie Le Clézio, Orhan Pamuk ou Annie Ernaux, et des écrivains de renommée mondiale, comme Salman Rushdie et Roberto Saviano, ont demandé la “libération immédiate“ de l’auteur franco-algérien. »
Sa faute : avoir « marocanisé » le Sahara occidental…
Que lui reprochent exactement les autorités algériennes ? Le Point Afrique répond : « Boualem Sansal est accusé pour des propos tenus sur le site en ligne de Frontières (une revue d’extrême-droite). Il y donne sans détours son point de vue sur le dossier du Sahara occidental. Il explique que “quand la France a colonisé l’Algérie, toute la partie ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc, de Tlemcen, Oran jusqu’à Mascara“. »
Bref, résume Le Point Afrique, « en quelques phrases, le citoyen Sansal a “marocanisé“ le Sahara occidental, ce qui est un casus belli pour les Algériens. Il a ajouté, avec sa désarmante liberté de parole, que “le régime algérien, régime militaire, a inventé le Polisario pour déstabiliser le Maroc“. Depuis 1999, date de son premier roman écrit en français, rappelle le journal, Boualem Sansal a alterné fictions et essais, pamphlets et tribunes. Ce haut fonctionnaire devenu écrivain, agnostique revendiqué, a toujours combattu les religions, ferraillant avec l’islamisme comme avec le régime algérien. »
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Le « traître » Sansal…
Pour le site algérien TSA, « la provocation est manifeste : Boualem Sansal a fait des déclarations hallucinantes dans le média français d’extrême-droite Frontières, qualifiant l’Algérie de “petit truc“ et le Maroc de “grand État“ et soutenant que le colonialisme français a “octroyé“ des terres marocaines à l’Algérie. »
TSA qui dénonce également la proximité de l’écrivain avec l’extrême-droite française : « Une voix venue du sud qui critique l’islamisme, ça plaît forcément dans un pays où l’extrême-droite gagne du terrain. Mais Sansal a fini par se radicaliser lui-même, portant, une à une, les thèses de l’extrême-droite. Ce courant l’a accueilli à bras ouverts, voyant en lui une légitimation de son discours anti-musulman, anti-immigrés et anti-algérien. »
Le site Algérie Patriotique hausse encore le ton : « Le traître Sansal n’a pas sa place en Algérie, sauf en prison, affirme-t-il. Cet individu n’est ni un grand penseur, ni un martyr, ni un être lumineux, c’est un agent étranger en mission contre l’État algérien. (…) L’Algérie n’est ni un souk ni un hammam où l’on peut faire ce que l’on veut, s’exclame encore Algérie Patriotique. C’est un État fort qui ne tolère pas les dérives subversives d’agents infiltrés. »
La « dictature » algérienne…
Autre point de vue, radicalement différent, celui du site d’opposition Le Matin d’Algérie : « Boualem Sansal est victime de sa liberté de parole, de son libre arbitre, de son courage de convoquer l’inexprimable, l’inexprimé. L’auteur, qui nous aide à regarder l’homme et le monde autrement, est entre les mains de la dictature. Boualem Sansal questionne, dérange et met en doute cet empire mafieux qu’est la nouvelle Algérie de Tebboune, fustige encoreLe Matin d’Algérie. Il dénonce ceux qui ont fait de l’Algérie post-indépendance un désert fielleux, et de ce désert un vide abyssal dans lequel se pratiquent les pires ignominies humaines et se propage une des plus infectes idéologies totalitaires, l’islamisme. (…) Cette incarcération, conclut le site d’opposition algérien, comme toutes celles qui touchent à la liberté d’expression, tient son fond de pensée dans la mort lointaine et triviale d’un État qui n’a jamais voulu de la démocratie en tant que système de gouvernance. »
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