Pourquoi, au théâtre, parle-t-on de côté cour et de côté jardin ?
Ces deux expressions, bien connues des professionnels de la scène, désignent respectivement la gauche et la droite de la scène... mais pas du point de vue du public, comme on pourrait le croire. Elles sont définies du point de vue des comédiens, c’est-à-dire quand on est sur scène, face au public : le côté cour est alors à gauche, et le côté jardin, à droite. Mais d’où viennent ces termes étranges, et pourquoi ne pas simplement dire "gauche" et "droite" ?Pour le comprendre, il faut remonter à l’époque de Louis XIV, au XVIIe siècle, plus précisément à l’un des lieux les plus prestigieux du théâtre français : la salle des Machines du Palais des Tuileries, à Paris. Ce théâtre, intégré au palais royal, était immense pour l’époque et doté d’un impressionnant système de décors mobiles.À cette époque, les termes "gauche" et "droite" posaient problème : selon qu’on soit comédien, metteur en scène, machiniste ou spectateur, les repères n’étaient pas les mêmes. Il fallait donc trouver une référence fixe, indépendante du regard. C’est là qu’interviennent le jardin et la cour du palais.Sur la scène du théâtre des Tuileries, quand on regardait vers la salle, on avait :à gauche, le côté qui donnait sur la cour du palais,à droite, celui qui ouvrait sur le jardin des Tuileries.Les machinistes, qui avaient besoin de repères précis pour les décors et les effets scéniques, ont commencé à parler de « côté cour » et « côté jardin ». Petit à petit, ce vocabulaire s’est imposé dans les théâtres parisiens, puis dans toute la France, notamment à partir du moment où la Comédie-Française s’installe en 1799 dans le théâtre de l’Odéon, puis dans la salle Richelieu. Le langage est conservé même si l’architecture des lieux change.Ces termes ont l’avantage d’éviter toute ambiguïté. Si un metteur en scène dit « Tu entres côté jardin », tous les comédiens savent que cela signifie la droite de la scène — toujours en se plaçant dans la peau du comédien, dos au décor, face au public. Cela évite de dire "ta gauche" ou "ma droite", qui peuvent varier selon la position de chacun.Aujourd’hui encore, côté cour et côté jardin restent en usage dans les théâtres francophones, aussi bien en France qu’au Québec ou en Belgique. Ils sont parfois indiqués sur les plans des scènes ou dans les consignes techniques.C’est donc un bel exemple de langage issu de l’histoire et de l’architecture, conservé pour sa précision. Une preuve que, même dans le monde de l’art vivant, les mots hérités du passé continuent de structurer le présent. Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.